Au cours de la préparation de ces billets, j’ai eu l’occasion de discuter de certaines aventures et folies de notre jeunesse. Tout dernièrement, Reed Erskine et moi avons échangé des souvenirs de nos tentatives malheureuses d’escalader le Mont San Jacinto dans le sud de la Californie.
À l’époque on était une quarantaine de stagiaires, vivant dans un taudis qui servait de camp d’ouvriers migrants. Le Corps de la Paix le jugeait une préparation suffisante pour affronter les rigueurs de la vie au Maroc. À vrai dire, pendant les sept années que j’ai passées au Maroc, je n’ai jamais été aussi mal logé, et, quant à la nourriture, elle était tellement infecte que les stagiaires menaçaient de la boycotter. Par comparaison, manger au Maroc c’était comme monter au ciel.
De notre quartier dans la vallée, on voyait clairement la montagne, la deuxième en altitude dans le sud de Californie. Sur une épaule se situe au premier plan Tahquitz Peak, un éperon rocheux, avec en arrière-plan la montagne propre, haute de 3 300 mètres.
Loin de chez eux et pleins d’énergie, une poignée de stagiaires se proposaient l’ascension. Bien que beaucoup moins dramatique, tout ce qui s’est passé me rappellerait plus tard le livre de Saint-Loup, La montagne n’a pas voulu. En effet, Le mont San Jacinto n’a pas voulu du tout !

Cette montagne est une des plus élevées du sud de la Californie, et sépare une vallée intérieure du désert. D’un côté, une région agricole, de l’autre le désert, elle est située dans une forêt nationale par où le sentier Pacific Coast, dans son long méandre entre les frontières mexicaine et canadienne, passe à travers.

Nous sommes partis le soir, après nos cours, faire du camping près du village de montagne Idyllwild pour être prêts à commencer notre ascension de bonne heure le lendemain matin. En arrivant, on a constaté que le groupe n’avait apporté que très peu d’eau. Tant pis, on en trouvera en forêt. La petite carte des sentiers que nous avions apportée n’indiquait pas les points d’eau; c’était à peine une carte, plutôt une représentation schématique, et nous ne nous en sommes pas inquiétés.
Elle ne marquait pas fidèlement les distances non plus. Le sommet était distante de 30 km. Notre route devait nous amener à mi-chemin du sommet de Tahquitz Peak (2 800 m). Remplis d’enthousiasme, sinon du bon sens, nous avons entamé notre randonnée de bonne heure le matin.

Au fur et mesure que Le Soleil montait, le manque d’eau se faisait sentir, et encore loin du sommet du Pic Tahquitz, la quantité risible d’eau apportée s’est épuisée. Toujours optimiste, on continuait à monter, et cela en dépit d’un temps de mi-octobre très chaud et sec! Un des nôtres s’est avisé de jouer aux cowboys et aux Indiens, courant devant les autres, et disparaissant. Nous le retrouvions toujours, perché sur un grand rocher, jambes croisées, assis à la manière d’un Peau-Rouge de Lucky Luke.

Malheureusement, le jeu s’est terminé quant il s’est épuisé à tel point qu’il ne pouvait plus bouger, et, comble de malheur, il n’y avait pas une seule goutte d’eau pour étancher sa soif.
Nous avons commencé à craindre sérieusement pour sa santé. Un ou deux d’entre nous sont descendus chercher du secours et sont revenus à cheval avec le shérif d’Idyllwild. On est descendus, le malade à cheval, les autres à pied. La santé bien rétablie grâce à des boisons gazeuses et des glaces, nous sommes rentrés à Hemet. C’est ainsi que s’est terminée notre première tentative.
(À suivre)
Le voila. Une lecon de vie: ne disputez jamais avec une montagne!
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