
Ici aux États-Unis, Netflix vient de sortir une série espagnole, Love in Times of War (L’amour en temps de guerre), qui se déroule au Maroc dans les années 1920 durant l’insurrection du Rif menée par Abdelkrim. Tournée au Maroc, une bonne partie de la série est située dans l’enclave espagnole de Melilla.
Peu connue en dehors du Maroc, sauf en Espagne, la rébellion du Rif fut un désastre militaire total pour les Espagnols et un épisode de l’histoire marocaine qui met en lumière la résistance berbère dans le nord, un sujet peu appréciée par le makhzen, soit le gouvernement marocain. Le Rif demeure une région où le gouvernement reste impopulaire et où il dirige d’une main de fer.
La guerre du Rif a été marquée par la corruption et l’incompétence et menée par des conscrits espagnols si pauvres qu’ils vendaient parfois leurs armes contre de la nourriture et des vêtements. À l’encontre du bon sens, les Espagnols avaient établi une série de forts s’étendant vers l’ouest à partir de Melilla, à travers les collines sèches et les montagnes escarpées du Rif. Bon nombre de ces forts se trouvaient dans des endroits sans sources d’eau permanentes. Au cours de l’été chaud de 1921, les Rifains, après avoir averti les Espagnols de ne pas avancer plus loin dans leur territoire, ont attaqué simultanément le long du front et ont coupé le réapprovisionnement à chacun des forts. La déroute de la bataille d’Anoual a été immortalisée par Arturo Barea dans le roman, The Track (La Ruta), qui fait partie d’une trilogie La forja de un rebelde. Plus de 13 000 soldats espagnols y ont perdu la vie, et pendant longtemps l’armée espagnole s’est trouvée confinée à Melilla. Après la Guerre civile espagnole, Barea a demandé l’asile en Grande-Bretagne où sa femme et ses amis l’ont aidé à traduire en anglais son roman autobiographique. Petite anecdote historique : À la suite de la traduction, Barea a perdu le texte espagnol de son œuvre; l’actuelle édition de sa trilogie, La forja de un rebelde, est elle-même une traduction de la version anglaise.
Au cours de seulement deux batailles de la guerre du Rif, les Espagnols ont subi environ 30 000 pertes. Le désastre suivant serait celui de Chaouen.

Lors de la retraite de Chaouen en 1924, le mauvais temps et la crainte que l’armée se trouverait prise dans les montagnes sans provisions pour l’hiver, les Espagnols ont essayé de se retirer à Tétouan à travers d’étroites vallées montagneuses par des chemins en mauvais état.

Le temps était pluvieux et le chemin s’est transformé en boue. Les Rifains attendaient que les soldats de la colonne espagnole se trouvent disposés en file indienne pour ensuite les attaquer tout le long de la route sur une soixantaine de kilomètres.

Ce qui s’est soldé par un massacre pour les Espagnols s’est avéré une victoire majeure pour Abdelkrim. Au milieu de cette débâcle se trouvait un officier du nom de Francisco Franco. En effet, on pourrait considérer cette guerre au Maroc espagnol comme l’incubateur de la Guerre civile espagnole.

Le succès d’Abdelkrim a mené également à sa perte. Les Français, trouvant qu’Abdelkrim était devenu une menace à leurs intérêts, interviennent massivement, matent la rébellion, et poussent Abdelkrim à l’exile.
J’ai eu mon premier contact avec le Rif au début de mon service au Corps de la Paix. Comme la province de Fès s’étend vers le Nord, mon emploi m’amenait souvent dans la région pré-Rif.

Rendu à l’hiver de 1968, je partageais une maison dans la medina (vieille ville) de Sefrou avec un autre volontaire, Gaylord Barr. Ce dernier avait apporté une caméra 8mm de chez lui, mais comme il trouvait qu’elle ne répondait plus à ses besoins, il avait décidé d’acheter un appareil SLR 35mm. Pour ma part, je prenais des diapositives couleurs et Gaylord voulait faire pareil. Nous avons donc décidé de faire de l’auto-stop de Fès à Ceuta, un port franc où il pouvait l’acheter hors taxes. Au nord de Fès, la route partait en ligne droite le long du flanc ouest du Rif, en passant par la région vallonnée du pré-Rif, où je travaillais occasionnellement, pour passer ensuite à Tétouan par Chaouen.


Nous avons fait le trajet d’un seul trait, une promenade angoissante pendant une nuit bien sombre et orageuse.

Des éboulis occasionnés par le tremblement de terre récent jonchaient le long de la route, ainsi que les habituelles coulées de boue causées par les pluies hivernales. De surcroît, le conducteur avait bu!



Le trajet était effrayant, mais nous sommes arrivés à Tétouan sains et saufs et Gaylord s’est acheté son nouvel appareil à Ceuta. Malheureusement, il l’a perdu dans le train en traversant l’Algérie en 1971. Gaylord était bon photographe; malheureusement, la plupart de ses diapositives marocaines semblent avoir été perdues.
Aujourd’hui, deux minuscules villes espagnoles, Ceuta et Melilla, se trouvent sur le continent africain, protégées par de multiples clôtures de barbelés à lames, par des caméras et par des gardiens.

Si vous décidez de regarder Love in Times of War, vous pourriez réfléchir sur le drame qui se déroule actuellement à l’extérieur de Melilla. Un Camerounais a raconté au réalisateur David Kestenbaum sa tentative de se rendre en Europe. National Public Radio vient de diffuser l’histoire de ce migrant africain qui essayait de traverser les clôtures et les barrières dans l’espoir d’obtenir le statut de réfugié.
Auteur : David Brooks
Traduction : Jim Erickson
Vous ecrivez d’une manniere interessant cette partie de l’histoire complique du Maroc.
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