L’oued Sebou, « magnificus et navigabilis »

Sans être le plus long des cours d’eau marocains, l’oued Sebou en charrie tout de même le plus important volume d’eau. Amenant des eaux vitales à l’agriculture irriguée de la plaine du Gharb, l’une des régions agricoles les plus riches du Maroc, le Sebou se jette dans l’Atlantique à Kénitra. Étant le seul fleuve navigable du Maroc, Kénitra constitue le seul port naturel du pays. Ce manque de cours d’eau navigables et de ports atlantiques sûrs constitue sans doute un facteur majeur dans la préservation de l’indépendance de la région dès l’Antiquité jusqu’au 20e siècle.

Le Sebou au port de Kénitra. Durant l’invasion alliée de l’Afrique du Nord, il était le site d’une escarmouche entre des G.I. américains et des soldats français de Vichy.

Le Sebou prend sa source dans les hauts plateaux basaltiques du Moyen Atlas, plateaux parsemés de cônes volcaniques récents.

Le cratère à Michliffen.
Sur la route royale, Tareq es-sultan. Jbel Tichoukt à l’arrière plan.

Dans son cours supérieur près des villages de Timhadite et Guigou, le Sebou porte pertinemment un nom berbère, Asif n Guigou. Il coule vers le sud-est à partir du bassin fluvial de la Moulouya.

Pays calcaire où les rivières s’alimentent des rivières souterraines.
Les villages du Moyen Atlas se trouvent souvent dans des positions protégées aux bords des plateaux.

Dans sa descente à travers des plateaux calcaires, le fleuve s’alimente de sources artésiennes et acquiert, chemin faisant, un nom arabe, oued Sebou, même si l’on croit que l’étymologie du nom arabe est également d’origine berbère. L’écrivain romain Pline l’Ancien, auteur de L’histoire naturelle, en fait mention en le nommant Sebubus, ce qui montre que le nom est effectivement très ancien. Pline l’Ancien était général. Il avait une bibliothèque immense et même s’il n’a jamais visité le Maroc, qui à l’époque faisait partie de l’Empire romain sous le nom de Mauretania Tingitana, il en parle dans ses écrits. Pline a connu une mort tragique en essayant de sauver des amis lors de l’éruption de Vésuve en 79 av. J.-C. Son neveu, Pline le Jeune, était un témoin direct de l’éruption et a décrit la manière dramatique dont sa famille a échappé à la catastrophe.

Des tributaires du Sebou passent par des gorges comme celle-ci à Skoura.

Dans son cours sinueux à travers les montagnes du Moyen Atlas, le Sebou creuse de très profondes gorges. Ici on voit le fleuve sur le point de quitter les montagnes avant sa descente à la plaine du Saïs près de la ville de Fès.

Les gorges un peu au-delà du pont, là où le fleuve quitte sa gorge.

Peu après, il se gonfle des eaux d’autres rivières provenant du Rif avant de serpenter à travers les terres cultivées du Gharb et de déboucher dans l’océan Atlantique.

L’Ouergha, un tributaire majeur, dans le pré-Rif.
Un soir au printemps.

Mon experience du Sebou provient de sa proximité de Sefrou. Sur la route menant à El Menzel, un pont enjambe le fleuve là où il émerge d’une gorge profonde.

Les gorges profondes commencent non loin du pont, en aval dans cette photo.
La route et le pont entre El Menzel et Sefrou.

À cet endroit les eaux du Sebou étaient claires, surtout en été où une source artésienne, l’Ain Sebou, dilue ses eaux boueuses.

En se rendant à El Menzel ou à Ahermoumou, d’où on a une vue superbe du Jbel Bouiblane, on ne saurait manquer de voir le fleuve.

Vue à partir du belvédère à Ahermoumou, lorsque la neige hivernale couvre le Bouiblane.
Baignade rafraîchissante en plein été.

Dans les gorges on pouvait faire de la randonnée et en été les eaux du fleuve étaient suffisamment claires et fraîches pour faire une baignade rafraîchissante.

Prenant une rafraîchissante gorgée d’eau dans la source Aïn Sebou.

L’aïn Sebou, aïn qui signifie source en arabe, impressionnait par ses eaux claires et froides jaillissant dans un bassin pour ensuite déborder immédiatement dans les eaux boueuses de la rivière adjacente. Je ne me suis jamais baigné dans la source, mais j’ai regardé d’autres le faire. Après coup, je regrette l’occasion manquée; une autre de ces choses qu’on aurait voulu tenter sans jamais arriver à le faire.

Le contraste entre l’eau de la source et celle du fleuve est frappant. L’eau tombe d’une petite saillie avant de se mêler aux eaux du fleuve. En été, la rivière finit par devenir claire. Photo prise par Gaylord Barr.
Après les pluies hivernales, les eaux du fleuve deviennent claires. En été, on aperçoit des lauriers-roses en fleurs le long des berges.

Après les pluies hivernales, les eaux du fleuve deviennent claires. En été, on aperçoit des lauriers-roses en fleurs le long des berges.

En quittant le Moyen Atlas, le fleuve serpente en direction de Fès.

Près de Fès, cependant, les inondations du Sebou représentent un problème important, aggravées plus tard par de grands débordements printaniers occasionnées par la pluie et la fonte des neiges dans le Rif.

Le pont qui traverse le Sebou près de Fès pendant une inondation hivernale.
Le gonflement des tributaires du fleuve dans son cours inférieur, fait souffrir les plaines plates du Gharb.
Un navire de Sète en France qui pompait du vin marocain en vrac à Kénitra. En France, ce vin était mélangé avec des vins français.

Ce n’est que près de son embouchure sur l’Atlantique que le Sebou devient calme et placide, un point d’ancrage sûr pour les navires de haute mer.

De nos jours, le Sebou souffre de la pollution. Les écoulements des champs agricoles et le manque d’infrastructures de traitement des déchets dans un pays à forte croissance démographique font que la qualité de l’eau est une préoccupation majeure pour les Marocains. Les variations de débit entre l’été et les mois hivernaux ainsi que l’augmentation du nombre de diversions le long du fleuve ne font qu’aggraver le problème de qualité d’eau auquel le gouvernement marocain fait face le long du Sebou et d’autres cours d’eau du pays.

Loin dans le temps et dans l’espace, j’ai le souvenir d’un fleuve différent qui se déversait des collines et dont les eaux claires et pures coulaient parmi les lauriers-roses en fleurs.

Auteur: David Brooks

Traduction: Jim Erickson

Author: Dave

Retired. Formerly school librarian, social studies teacher, and urban planner.

3 thoughts on “L’oued Sebou, « magnificus et navigabilis »”

  1. J’ai habité dans la région d’El Menzel et étudié à Sefrou. Je peux donc témoigner que la description des lieux est parfaite. Bravo. Je suis resté un long moment à regarder la photo prise par GAYLORD car ça été l’occasion pour moi de rendre hommage aux qualités humaines et à la beauté d’âme de mon cher professeur que je n’oublierai jamais. Merci à vous Dave.

    Le jeu. 20 fév. 2020 à 23:48, Morocco That Was a écrit :

    > Dave posted: ” Sans être le plus long des cours d’eau marocains, l’oued > Sebou en charrie tout de même le plus important volume d’eau. Amenant des > eaux vitales à l’agriculture irriguée de la plaine du Gharb, l’une des > régions agricoles les plus riches du Maroc, le Sebou” >

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  2. PS Suite à mon mail ci-dessous, je reviens à la question de l‏’ALFA brûlé, je pense que c’est pour aider la plante à se régénérer, il parait que ça marche bien.

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    1. Cher Ali, merci pour le commentaire et les précisons. Il est Ramadan chez vous. Comment se passe-t-il sous le confinement? Ah, les souvenirs de hrira et chebakia me reviennent !

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