Dover Beach

En début de cette belle matinée de juillet, alors que nous sirotions tranquillement notre café au lit, une marmotte traversait la cour et des moqueurs chat effectuaient des sorties pour se nourrir des drupes rouge vif de la viorne située à l’extérieur de notre fenêtre. Pendant ces quelques instants de calme matinal, les problèmes du monde nous semblaient bien loin. Rien dans notre pelouse non tondue ne rappelait exactement le beau poème de Matthew Arnold, mais je ne pouvais éviter le sentiment, partagé par beaucoup, je crois, que le monde se précipite inéluctablement vers un désastre d’une ampleur inimaginable. Mesurez-le à l’aune de la foutaise MAGA si vous voulez, même si la vacuité de Trump, l’ignorance, la démagogie, la cupidité et le pouvoir des élites qu’il embrasse ne peuvent se comparer aux véritables problèmes auxquels l’humanité est confrontée.

Le moqueur chat picore les baies

Dresser une liste exhaustive des catastrophes en cours et à venir remplirait facilement une page, mais, tout comme Brassens a pu chanter sa guerre préférée, je peux énumérer mes préférées, celles qui m’inquiètent le plus : le changement climatique, encore nié par beaucoup, la pollution sans répit de l’humain, invisible et insidieuse, l’extinction massive à une échelle et dans un délai qui n’ont d’égal que celle causée par la météorite de Chicxulub, la prolifération nucléaire, qui paraît irréelle aux yeux des Américains qui n’ont jamais vécu la destruction occasionnée par la guerre en Europe et au Japon, l’aggravation des inégalités et de la faim, à une époque de richesse et d’abondance immenses, l’intolérance religieuse croissante partout dans le monde et l’utilisation grossière, odieuse et finalement immorale de la force militaire, à des fins discutables et sans tenir compte de l’énorme souffrance des innocents.

Dans son poème, Arnold déplorait le recul de la foi et cherchait du réconfort dans l’amour, ce à quoi on n’aurait rien à redire;cependant, Arnold vivait à une époque d’optimisme où l’on accueillait le progrès comme faisant naturellement partie de l’avenir.  Pour moi, cependant, la retraite que j’aperçois est celle de la foi en la raison. J’ai récemment terminé l’ouvrage de Stacy Schiff, Une grande improvisation, Franklin, France et la naissance de l’Amérique, qui relate la période de la vie de Benjamin Franklin en tant que commissaire des colonies américaines en France, qui faisait de son mieux pour obtenir une aide financière et militaire de la part du gouvernement de Louis XVI. Le séjour de Franklin à Paris a marqué la fin de l’âge de la raison, rapidement suivi d’une Révolution qui a donné le coup d’envoi à une nouvelle religion : le nationalisme.

Depuis l’époque de Franklin, le nationalisme et les religionsanciennes ont rivalisé avec la raison pour conquérir l’esprit et le cœur des hommes. On ne peut qu’espérer…et prier…pour que les actions des hommes soient tempérées par un mélange adéquat des deux, et guidées par une puissance qui soit supérieure à l’intelligence artificielle. L’internationalisme, selon la façon dont on l’envisage, s’avère un puissant antidote au nationalisme. Malheureusement, les Américains, qui ont inondé le monde entier de leur culture, tendent à avoir l’une des cultures les plus insulaires, et la xénophobie et l’isolationnisme sont présents dans notre pays depuis sa création.  Seules des menaces imminentes et existentielles semblent inciter les Américains à s’engager à l’étranger. Pourtant, aujourd’hui, quels que soient les critères retenus, les Américains, confrontés à de nombreuses menaces de ce type, font preuve d’une complaisance remarquable. Obnubilés par les multimédias, beaucoup ont perdu l’art de la réflexion.

La viorne est originaire de l’hémisphère Nord, y compris des montagnes de l’Atlas au Maroc, et se cultive souvent dans les jardins aux États-Unis. Les baies rouges sont comestibles, mais ont mauvais goût. Certaines sont légèrement toxiques. Cependant, la couleur rouge vif est attrayante et la plante occupe une place et une signification particulières dans la culture ukrainienne. Les Russes la célèbrent également, et une chanson russe populaire du XIXe siècle, Kalinka, lui est consacrée. Lorsque j’étudiais le russe au lycée, le professeur se servait de la chanson pour enseigner la prononciation et le vocabulaire, ainsi que pour rompre la monotonie de l’apprentissage des conjugaisons et des déclinaisons. Bien des années plus tard, même si j’en ai beaucoup oublié, je me souviens encore du vers, В саду́ я́года-мали́нка, мали́нка моя́, « Mes belles baies dans mon jardin ».

Aussi beaux soient-ils, le moqueur chat et les baies ne parviennent pas à chasser de mon esprit les images d’innocents morts et affamés. Mon vieil ami d’université, Jim, croit que arriver à un consensus sur le changement climatique pourrait aider l’humanité à partager les valeurs importantes que nous avons tous en commun, et peut-être que cela se produira à mesure que les effets du changement climatique deviendront indéniables malgré la désinformation répandue depuis bien des années par les industries des combustibles fossiles. Je l’espère.

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Author: Dave

Retired. Formerly school librarian, social studies teacher, and urban planner.

2 thoughts on “Dover Beach”

    1. Hi Paul,

      Thank you, Paul. Your kind comment is a wonderful gift for me and Jim Erickson, who is my copy editor and translator. I haven’t written anything for a long time. My old slides are my prompts and I haven’t digitized any for a copy of years. I will begin blogging again this year, God willing. If you’d like to contribute, feel free to write about your experiences. We’ll provide the space. Have a happy holiday and a healthy new year. So great to hear from you!

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